Assemblée plénière du Conseil régional de Basse-Normandie – 18 et 19 juin 2015
Intervention de Philippe Augier, président du groupe UDI
Monsieur le Président,
Chers collègues,
Je voudrais à mon tour saluer l’arrivée de nos deux nouveaux collègues, Jacqueline Duboscq et Gérard Leneveu qui vont nous accompagner jusqu’au terme de ce mandat. Ils arrivent à un moment crucial de la vie de cette assemblée, à ce moment où la Normandie retrouve ses frontières, la Normandie à nouveau une, mais pas encore indivisible, malheureusement, j’y reviendrai.
Alors, j’entends dire, depuis des semaines, que la gauche serait le principal acteur de la réunification. Il y aurait les « faiseux » et les « diseux », pour reprendre les termes de patois normand utilisés par votre homologue haut-normand. Il l’a certainement appris pour pouvoir discuter avec Laurent Fabius ou Alain Le Vern.
Vous le savez, je me bats depuis assez longtemps sur ce sujet, je suis un militant ancien de la réunification et au fond, il m’importe peu que ce soit la gauche ou la droite qui ait initié cette réforme. A gauche comme à droite, d’ailleurs, nombreux étaient ceux qui la combattaient. Dans vingt ans, tout cela n’aura plus aucune importance.
Et aujourd’hui, je vois tellement d’avantages à cette réunification pour valoriser les nombreux atouts de la grande Normandie, tellement de force dans les synergies qui naîtront de cette fusion, tellement d’espoir pour notre territoire, qu’alors, oui, j’approuve profondément l’idée de la réunification. Comme tous mes collègues du Centre, je ne suis pas un rallié de la dernière heure, qui, après avoir toujours dit que la fusion ne l’intéressait pas, se mettrait à la faire et à en devenir un ardent partisan. Vous savez, Monsieur le Président, que je ne parle pas de vous, mais de nombreux de vos alliés et pas des moindres.
Ainsi, en tant que militant, comme je le disais, de cette grande Normandie, je défends, avec tous ceux qui me sont proches, un équilibre des territoires qui ne soit pas un vœu pieu, une coquille vide, une belle formule électorale permettant d’enfumer un peu plus les normands.
Pour moi, l’équilibre des territoires, c’est accepter que le pouvoir ne soit pas centralisé en un seul lieu, comme c’est le cas à l’échelle de la France, c’est soutenir le dynamisme des trois villes phares de Normandie, Caen, Rouen et Le Havre, plutôt que de prôner la loi du plus fort, alors qu’il n’y a pas de plus fort, c’est aussi s’assurer de la construction concrète d’un réseau des villes moyennes, qui puisse être moteur pour toutes les zones rurales de la Région.
Ce réseau, ce sont des infrastructures et des modes de transports, ce sont des filières économiques, ce sont des connexions numériques, c’est l’organisation des complémentarités entre les bassins de vie. Nous devons travailler avec cet objectif d’équilibre, en s’appuyant sur les structures déjà en place, ou en cours de construction : la métropole rouennaise, le pôle de l’estuaire, le pôle métropolitain caennais, les villes moyennes dont je parlais à l’instant, mais aussi les départements et, demain, notre conseil régional, en grand orchestrateur de ce beau projet.
Cet équilibre que nous défendons passe notamment par une question toute simple à laquelle nous n’arrivons pas à avoir de réponse claire. Nous vous demanderons d’y répondre tout à l’heure, mais permettez-moi de la poser maintenant, afin que vous puissiez commencer à y réfléchir, puisque rien n’est clair jusqu’à maintenant : êtes-vous pour ou contre le fait que le siège du Conseil régional, les services qui lui sont directement rattachés et le lieu de réunion des assemblées, soient regroupés en un seul et même lieu ? Ne me répondez pas en prenant pour exemple les agents des lycées, dont tout un chacun sait qu’ils ne sont pas délocalisables. Et, puisque vous avez expliqué aux médias que c’était très compliqué, je vous prie de nous expliquer en quoi. Nous sommes tout ouïe. A moins que vous ne préfériez attendre l’autorisation de votre homologue, tout à l’heure, pour nous donner une réponse.
Notre position est claire. Je me désole de voir les combats et les divisions qui agitent certains sur ces questions, je suis encore plus navré de voir ceux qui, tout en étant aux responsabilités, jettent de l’huile sur le feu, plutôt que de chercher des solutions dans un travail commun. Il y a là, à mon sens, le résultat d’un choix qui a trop longtemps été celui des deux présidents de régions : celui de l’attentisme.
Si vous étiez persuadés que la réunification était un projet essentiel, qui pouvait être consensuel, alors pourquoi vous ne l’avez pas initié avant ? Et sans même aller jusque-là, pourquoi ne pas avoir davantage travaillé ensemble, depuis plus de 10 ans que les deux Régions sont censées être dans le même camp politique ? Vous avez laissé s’installer un climat de rivalité en Normandie. Qu’avez-vous fait pour donner envie aux Normands, depuis des mois et des mois, de travailler ensemble ? Au conseil régional de Haute-Normandie, en étant arrogant, ici en capitulant ? La Normandie est une, enfin, et vous commencez par la division.
On ne peut pas réunifier en jouant les uns contre les autres. C’est pourtant l’attitude des présidents de Régions. Encore aujourd’hui, vous soutenez une organisation de la gouvernance qui va à l’encontre de l’équilibre, en soutenant que le siège du Conseil régional et la préfecture de Région doivent être à Rouen, comme l’a voté le CESER haut-normand – je ne dirai pas comme un seul homme, parce que leur marge était bien faible.
C’est aussi l’attitude du préfet préfigurateur. Celui-ci doit avoir des dons de divination, à moins qu’il ait eu une feuille de route pré-rédigée, car quelques jours à peine après avoir été nommé, sans concertation avec quiconque – en Basse-Normandie en tout cas, sauf peut-être vous, Monsieur le Président ? – sans même avoir passé le Pont de Normandie, il annonçait déjà son plan : une capitale régionale à Rouen, avec le sous-entendu, confirmé depuis, qu’il s’agissait d’y concentrer tous les pouvoirs. C’est le discours tenu par le préfet de Basse-Normandie a qui veut l’entendre, c’est le discours des administrations d’Etat, c’est le discours que vous avez tenu, vous aussi, à travers certains écrits.
Pour ne pas être trop négatif – je ne voudrais pas que vous me fassiez ce reproche, car c’est toujours votre défense, j’ai trouvé un point positif, un compliment, même. A 6 mois des élections régionales, je me réjouis de voir que vous avez enfin pris la mesure du travail à engager et du temps à rattraper pour réussir la réunification ! Il suffit de voir le nombre de réunions que vous menez sur le territoire, toujours accompagné de votre fidèle comparse haut-normand, pour s’en assurer. Il est vrai que, tout le monde ici vous le confirmera, les campagnes électorales, ça rapproche… Oserai-je dire que vous ne travaillez ensemble que depuis que vous avez décidé de partir en campagne électorale ?
Une petite parenthèse, Monsieur le Président : j’ai été un peu surpris de ne pas trouver, dans les rapports que nous allons étudier aujourd’hui, la mention de vos réunions électorales. Comme votre campagne commune semble se faire en partie aux frais du contribuable, je pensais que nous aurions voté une autorisation de paiement…
Ces six derniers mois sont d’ailleurs étonnamment plein de promesses. Des projets qui paraissent tellement urgents qu’il faut les traiter tout de suite, avant décembre, bien entendu. Il ne s’agit pourtant pas de répondre à une avarie soudaine mais à des questions anciennes, récurrentes pour de nombreux normands. Quelques exemples :
– les billets de train à 50 % pour les étudiants sur le Caen/Rouen, annoncé dans la presse ;
– le prolongement du Paris-Granville par autocar pour le Mont-Saint-Michel – il était temps…
– le lancement d’une grande idée sur la prise en charge du péage du Pont de Normandie par les départements et la région – c’est vrai que le Pont n’a que vingt ans ;
– la hausse des subventions aux syndicats ;
– la revalorisation du régime indemnitaire des agents du conseil régional, devant avoir des effets dès septembre. Dès septembre ! Cela n’aurait-il pas été plus cohérent d’attendre au moins janvier 2016 ? Ou bien le faire plus tôt, comme les agents pouvaient l’attendre ?
Alors, Monsieur le Président, je vous suggère de vous faire un pense-bête, afin de ne pas oublier de déclarer sur vos comptes de campagne le prix d’achat de la paix sociale. On sait que la commission est intraitable…
En tout cas, bien que vous lanciez de grands projets en pleine campagne électorale, les questions essentielles, celles qui concernent la préparation réelle du fonctionnement des services et de l’assemblée, ne sont pas traitées.
Je crois vous avoir déjà posé la question des travaux nécessaires dans l’hémicycle, que ce soit celui-ci ou celui de Rouen. Allons-nous faire d’importants travaux en double, avant de s’avoir où l’on se fixe ? Que vont faire, dans quelques mois, les agents, qui se sentent, pour une part, abandonnés ? Partiront-ils à Rouen ? Resteront-ils à Caen ? Devront-ils changer de poste ? Encore une fois, puisque c’est le seul exemple que vous avez, je ne parle pas des agents des lycées. Mais les agents du service des marchés publics ? Ceux des ressources humaines ? Allons-nous avoir des doublons ? Ne pensez-vous pas qu’ils ont besoin de se préparer ? Les parents qui devront trouver une autre école pour leurs enfants ? Les conjoints qui devront faire des choix professionnels ? La perspective, peut-être, d’un déménagement ? Je pense aux agents de Basse-Normandie comme à ceux de Haute-Normandie. Les inquiétudes n’ont pas de frontières…
J’ai donc posé la question en commission, la 4, qui a, entre autres, pour thème de travail la réunification, du devenir de nos agents, de la réorganisation des services. Savez-vous ce qu’un élu de votre majorité a conclu, quand mes questions devenaient gênantes ? « Joker »… avant que l’on ne m’explique que la mobilité fait partie du job pour ceux qui ont des responsabilités. Je suggère que l’on réponde cela à leurs enfants et à leurs conjoints. Et je ne parle pas des commentaires en privé de certains élus de la majorité. Un scrutin secret serait intéressant…
Je pense donc que les agents, mais aussi tous les acteurs de la vie bas-normande, seront grandement intéressés par vos prises de position sur le lieu d’établissement du Conseil régional, que viendra nous exposer le président haut-normand cet après-midi, comme j’ai pu l’apprendre en consultant son agenda sur internet. Je suis un peu surpris que ce soit son agenda qui dicte l’ordre de nos délibérations, mais je conçois qu’il soit très occupé en pleine campagne.
En tout état de cause, puisque vous serez là tous les deux, je compte sur vous pour nous donner une réponse claire. Pas de formule, pas d’enfumage : est-il équilibré que la préfecture et le siège de la Région soit dans une seule et même ville, oui ou non ? Vous nous dites avoir entendu le message. Répondez-y.
Je vous remercie.
Seul le prononcé fait foi.