Fi de gauche. Voilà que le parti socialiste veut nous faire croire que la région Normandie est « la mieux gérée de France », au point d’en faire son principal argument de campagne. Cette affirmation abusive et en réalité désespérée ne cache-t-elle pas une tentative de manipulation de l’opinion publique, pour masquer un cuisant échec ? Entre le vrai et le faux, que chacun se fasse son opinion.
Premièrement, on nous parle de la gestion de la « Normandie », une collectivité qui n’existera qu’à compter de l’année prochaine. S’il y a un bilan à établir, c’est donc sur les régions de Haute et de Basse–Normandie… à moins que cela ne mette mal à l’aise leurs présidents sortants.
Deuxièmement, quand le PS parle de gestion, il s’appuie sur un unique critère, le poids de la dette par habitant. Ce choix est évidemment réducteur, car il faut aussi regarder la maîtrise des ressources humaines, les dépenses de structure, les dynamiques à l’œuvre. Or sur chacun de ces sujets, la Chambre Régionale des Comptes a sévèrement épinglé la gestion socialiste.
Troisièmement, le classement des collectivités territoriales est l’un de ces marronniers auxquels les journaux aiment revenir. A chacun sa méthode, à chacun son approche. Par exemple, pour Le Point et Décomptes-Publics.fr[1], la Basse-Normandie est la 4ème région la moins bien gérée de France, la Haute-Normandie est dans le dernier tiers. Fin 2015, les deux régions sont classées par Capital parmi les élèves médiocres, pouvant mieux faire[2].
Et pour cause : en Basse et en Haute-Normandie, entre 2009 et 2014, les charges de personnel ont explosé respectivement de +10% et de +15%[3], tandis que les subventions par foyer fiscal fondaient. Cet héritage fait que la future région Normandie démarrera avec des frais de structure supérieurs de 28 millions d’euros à ceux de la Bretagne et de 35 millions à ceux des Pays de la Loire. Lourd fardeau.
La vérité est que la région Normandie va devoir fournir de très gros efforts de gestion dans les cinq années à venir pour redresser une situation devenue très délicate, rattraper le retard pris par rapport à d’autres territoires et offrir aux populations le niveau de services qu’elles sont en droit d’attendre.
Le défi est immense puisque même le critère de faible endettement de la future Normandie, tel que mis en avant par le PS, interpelle. Ce critère est la réunion de la dette de la Basse et de la Haute-Normandie. La première n’est en rien une championne : sa dette est 70% supérieure à la seconde et a augmenté de +30% entre 2009 et 2014. La seconde porte certes l’une des quatre dettes les plus faibles en France, mais c’est le fruit de l’inaction et d’un retard préjudiciable aux normands.
Il n’y a pas que moi qui le dise, les sages de la Chambre régionale des comptes l’ont affirmé eux aussi, dans leur rapport d’observations de juillet 2014. Ils ont pointé l’absence d’une vision, d’ordinaire traduite par un plan pluriannuel d’investissement, en Haute-Normandie, estimant la gestion socialiste timorée et « déconnectée des besoins de financement ». La Chambre est restée dubitative en observant une chute de -22,5% des investissements entre 2009 et 2013, au plus fort de la crise.
Quand on ne fait rien, on n’investit pas pour l’avenir. Combien de retard sur nos lignes ferroviaires ? Combien de défaillances d’entreprises et d’opportunités d’expansion ratées ? Comment expliquer que la Haute-Normandie soit dans le dernier tiers des régions françaises pour l’investissement dans les transports et en faveur de l’action économique, alors qu’il s’agit de compétences majeures pour une région ? Pourquoi n’agit-elle pas face aux nombreux besoins des entrepreneurs, des lycéens, des familles, des touristes, à un moment où les financements bancaires sont historiquement opportuns ?
Par sa gestion sans vision, sans stratégie de développement, le PS a fragilisé notre belle Normandie. Le bilan des Présidents socialistes sortants, c’est un PIB en décrochage avec le PIB national (la Basse-Normandie occupe même la dernière place en termes de création de richesse par actifs)[4], un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale, -15% de soutien à l’apprentissage sur les quatre dernières années[5] et une flambée des frais de gestion des deux collectivités régionales normandes.
Bien gérer une collectivité, c’est stabiliser la fiscalité locale. C’est maîtriser les dépenses de structure, notamment la masse salariale. C’est prévoir l’avenir, par un plan pluriannuel d’investissement, soutenable. C’est mutualiser ses achats, moderniser ses procédures, optimiser sa gestion patrimoniale. C’est établir des règles de déontologie et d’exemplarité.
Alors la Normandie, « Région la mieux gérée de France »… Oui, mais seulement si les 6 et 13 décembre, elle change de gouvernance.
[1] Source : http://www.planet.fr/actualites-quelles-sont-les-regions-plus-mal-gerees-de-france.394040.1557.html – visité le 07/11/2015
[2] Source : http://www.capital.fr/immobilier/observatoire-des-collectivites/les-regions-bien-gerees-et-celles-qui-le-sont-moins-1084042 – visité le 09/11/2015
[3] Source : comptes administratifs 2014 des Régions, publiés par la DGCL, retraitement Capital.fr, 6 novembre 2015.
[4] Source : rapport Institut Montaigne, 4 novembre 2015, dans http://www.ouest-france.fr/une-nouvelle-normandie-dynamique-3820351
[5] Source : interview d’Arnauld Daudruy, Président du MEDEF de Normandie, Ouest-France, 9 novembre 2015, page 5.